Le 26 septembre, la Société française de radioprotection (SFRP) organisait à Paris sa journée technique sur la radioprotection des patients. « Une journée d’échange entre tous les professionnels impliqués dans les techniques d’imagerie, la mesure de la dose et ses effets sur l’organisme », selon les mots de Serge Haan, membre de la section protection technique de la société. Médecins, manipulateurs radio, physiciens, industriels, chercheurs et institutionnels ont dressé un bilan de l’évolution des techniques et des effets des faibles doses. « L’enjeu est de taille car la dose à la population augmente de façon non négligeable », indiquait Serge Haan en préambule.
Une dose moyenne de 5 mSv pour un patient
Concernant les enjeux de la radioprotection, Michel Bourguignon, conseiller en radioprotection médicale à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), rappelle que les dispositifs médicaux sont la première source d’exposition de la population aux rayonnements ionisants. « Ce sont des expositions intentionnelles et donc contrôlables, note-t-il. Elles ont augmenté d’un facteur 2 sur dix ans. Cette augmentation sera durable car l’imagerie médicale contribue très efficacement au diagnostic des maladies. » En France, la dose moyenne pour un patient s’élève à 5 mSv par an. Le scanner contribue à plus de 50 % du total de l’irradiation. « La justification et l’optimisation sont donc fondamentales, estime Michel Bourguignon. Un examen est utile s’il change la prise en charge du patient. »
L’innovation va plus vite que la réglementation
Vis-à-vis des faibles doses, il subsiste « des incertitudes », remarque l’intervenant. « Les bonnes pratiques doivent continuer à être renforcées en matière d’optimisation et de justification, insiste-t-il. C’est valable en particulier sur les nouvelles pratiques et les nouveaux appareillages. L’innovation va plus vite que la réglementation. On le voit par exemple avec la tomosynthèse qui a mon sens n’a toujours pas d’assurance de qualité. »
La tomosynthèse en question
La physicienne médicale Julie Sage a justement présenté une étude sur la dose et le contrôle qualité interne de la tomosynthèse. « L’introduction de cette technique dans le cadre du dépistage organisé semble envisagée par les autorités, explique-t-elle. De ce fait, une meilleure connaissance de ces systèmes est nécessaire. » Elle cite les résultats d’une étude bibliographique réalisée par l’IRSN en 2015 sur les différents systèmes de tomosynthèse. « Le contrôle qualité est une obligation réglementaire, et c’est un préalable indispensable si on veut introduire cette technique dans la campagne de dépistage », répète-t-elle. La tâche s’avère cependant complexe du fait de la diversité des techniques. « Nous avons du mal à avoir des modalités qui soient les mêmes sur tous les systèmes et nous n’avons pas encore le retour d’expérience suffisant pour établir des critères d’acceptabilité absolument incontestables, explique l’intervenante. De plus, nous n’avons pas encore identifié de fantômes parfaitement adaptés à la tomosynthèse. »
Une « désescalade » de la dose
De son côté, Hubert Ducou Le Pointe, radiologue à l’hôpital Trousseau (Paris) a tenu à rappeler quelques données essentielles sur la radioprotection. « Selon les derniers chiffres de la CNAM en 2013, sur l’ensemble des images que nous produisons, 60 % utilisent les rayonnements ionisants », indique-t-il. Au fil du temps, les industriels et les professionnels de l’imagerie ont mis au point des techniques qui ont permis de réduire la dose de manière significative. « Avec l’arrivée de nouveaux systèmes, on arrive à de la microdose, remarque Hubert Ducou Le Pointe. N’oublions cependant jamais que notre but n’est pas seulement de diminuer la dose mais de garder la qualité d’image diagnostique. » En effet, en abaissant drastiquement la dose, les radiologues se retrouvent parfois confrontés à une autre problématique. « L’une de mes préoccupations actuelles, c’est de voir arriver des scanners pour des enfants où les doses sont tellement faibles qu’on a trop de bruit et pas assez de signal. On est obligé de refaire certains examens. »
Plus de scanners chez l’enfant
En pédiatrie, les enjeux de radioprotection revêtent une importance de premier plan, comme l’explique Marie-Odile Bernier, épidémiologiste à l’IRSN, qui a présenté une session sur les risques des scanners répétés chez l’enfant. « Son utilisation a augmenté de façon exponentielle, assure-t-elle. D’après le dernier bilan de l’IRSN, 8 millions d’examens de scanners avaient été réalisés en 2012, dont 10 % en pédiatrie. » La scientifique rappelle que, pour une dose donnée, « les enfants ont un risque plus important de développer un cancer que les adultes ».
Une cohorte d’un million d’enfants
Pour évaluer le risque d’effets à long terme sur les enfants exposés aux rayonnements ionisants lors des examens de scanner, neuf pays européens participent au projet EPI-CT, avec une cohorte d’un million d’enfants. « L’analyse dosimétrique est finie et nous en sommes à l’analyse épidémiologique », détaille Marie-Odile Bernier. Elle espère voir les premiers résultats de cette vaste étude d’ici l’année prochaine. En attendant, les études épidémiologiques disponibles sur le scanner en pédiatrie « observent bien une augmentation de risque pour des niveaux de dose inférieurs à 100 mSv », bien qu’il reste des incertitudes sur la méthodologie. « J’espère que l’étude EPI-CT donnera des nouvelles informations plus précises avec plus de puissance statistique que ce qui a été fait auparavant », conclut-elle.
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