Politiques de santé publique

Une intervention pour un dépistage du cancer du sein par IRM abrégée

Rapide et peu coûteuse, plus sensible et plus précise que la mammographie, l’IRM abrégée est une modalité de choix pour le dépistage du cancer du sein selon Christiane Kuhl. Cette radiologue allemande a défendu cette solution le 27 février au Congrès européen de radiologie.

Le 01/03/19 à 17:00, mise à jour aujourd'hui à 14:12 Lecture 3 min.

Radiologue à l’hôpital universitaire d’Aix-la-Chapelle, en Allemagne, Christiane Kuhl, plaide depuis des années pour l’instauration d’un dépistage du cancer du sein par IRM abrégée. Mercredi 27 février, elle a défendu les atouts de cette technique lors d’une session du Congrès européen de radiologie (ECR) sur les nouvelles formes de dépistage.

« La mammographie détecte davantage les cancers à évolution lente »

Premier argument : « la mammographie a le défaut de détecter davantage les cancers à évolution lente, les moins dangereux, affirme-t-elle. La détection du cancer en mammographie ou tomosynthèse se base en effet sur l’observation de distorsions architecturales, de spiculations et de calcifications secondaires à l’hypoxie, la nécrose et la fibrose, qui reflètent des changements régressifs. » Ce biais de temps long (lenght time bias), serait cause de surdiagnostics, dont le taux varie de 10 % à 52 % selon les études. En parallèle, la mammographie générerait aussi du sous-diagnostic : « Elle peine à repérer les lésions dans les tissus denses. De plus, le phénotype des cancers de pronostic significatif donne des images ambiguës », explique Christiane Kuhl. Pour elle, la principale preuve que cette modalité manque de sensibilité est que 20 % à 30 % des cancers découverts sont des cancers de l’intervalle.

L’IRM détecte 14 cancers supplémentaires pour 1000 examens…

Le dépistage, conclut-elle, nécessite donc une technique d’imagerie dotée d’une haute sensibilité pour les maladies biologiquement significatives et d’une faible sensibilité pour les pseudo-cancers. Et à ses yeux, l’IRM avec injection de PDC est parfaite pour ce rôle : « Une étude a évalué les effets d’un dépistage par IRM parmi une cohorte de femmes à haut risque de cancer du sein déjà examinées par mammographie. L’IRM a découvert 14,6 cancers supplémentaires pour 1 000 examens » [1]. Une autre étude menée par elle-même et ses confrères aboutit au même résultat chez les femmes à risques moyens [2]. « Plus important, le taux de cancer de l’intervalle est en dessous de 10 %, voire à 0 % dans tous les essais de dépistage par IRM », souligne-t-elle.

…et limite le surdiagnostic

Dans un article paru en 2010, la même équipe conclut que les cancers supplémentaires découverts par IRM sont cliniquement pertinents et que l’IRM permet d’écarter les lésions médicalement non significatives [3]. « À l’inverse de la mammographie, l’IRM est biaisée vers la détection de cancers biologiquement actifs et pertinents d’un point de vue pronostique. Le rehaussement de contraste est un biomarqueur de l’agressivité d’un cancer », explique Christiane Kuhl. Elle éviterait donc les surdiagnostics. « Selon d’autres travaux, la mammographie et l’échographie n’apportent pas de valeur ajoutée au dépistage par IRM. Cette dernière peut donc être utilisée seule. »

3 minutes d’examen et 3 secondes d’interprétation

En réglant les soucis de coût et de disponibilité de la modalité, les protocoles abrégés ouvriraient la voie à au dépistage par IRM en première intention, poursuit l’intervenante. « En pratique, nous ne faisons qu’une acquisition avant injection de PDC et une après. Le temps d’examen passe ainsi de 15 minutes à 3 minutes. » La technique MIP (maximum intensity projection) permet de fusionner les images individuelles de soustraction et de détecter les rehaussements significatifs. « Ces images MIP prennent à peine quelques secondes à interpréter. Avec cette technique, nous avons diagnostiqué 18,3 cancers supplémentaires pour 1 000 examens, dont une majorité était de haut grade [4]. » D’après la même étude, la valeur prédictive positive était « satisfaisante », à 24,4 %.

Essai international en cours

Depuis lors, plusieurs essais ont donné les mêmes résultats, affirme Christiane Kuhl. Le dernier en date, auquel participe son équipe, est en cours. Cette étude prospective, randomisée, internationale, multicentrique, inclut des femmes aux seins denses et compare l’IRM abrégée à la tomosynthèse. « Nous allons bientôt publier les premiers résultats. Ils sont encourageants. »

Auteurs

Jérome Hoff

Rédacteur en chef adjoint

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Bibliographie

  1. Berg W. A., Blume J. D., Cormack J. B. et coll, « Combined Screening With Ultrasound and Mammography vs Mammograpy alone in Women at Elevated Risk of Breast Cancer », JAMA, mai 2008, vol. 14, n° 299. DOI : 10.1001/jama.299.18.2151.
  2. Kuhl C. K., Strobel K., Bieling H. et coll. « Supplemental Breast MR Imaging Screening of Women with Average Risk of Breast Cancer », Radiology, mai 2017, vol. 283, n° 2, p. 361-370. DOI : 10.1148/radiol.2016161444.
  3. Kuhl C. K., Weigel S., Schrading S. et coll., « Prospective multicenter Cohort Study to Refine Management Recommendations for Women at Elevated Risk of Breast Cancer : The Eva Trial », Journal of Clinical Oncology, mars 2010, vol. 28, n° 9, p. 1450 – 1457. DOI : 10.1200/JCO.2009.23.0839.
  4. Kuhl C. K., Schrading S., Strobel K. et coll., « Abbreviated Breast Magnetic Resonance Imaging (MRI) : First Postcontrast Substracted Images and Maximum-Intensity Projection – A Novel Approach to Breast Cancer Screening With MRI », J Clin Oncol., août 2014, vol. 32, n° 22, p. 2304-2310. DOI : 10.1200/JCO.2013.52.5386.

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