Ambiance studieuse mais conviviale un matin du 6 février 2025 au centre international de chirurgie endoscopique (CICE), à Clermont-Ferrand. Une trentaine d’étudiants – internes et jeunes radiologues – venus de toute la France ont répondu présent pour leur deuxième journée à l’école de la thrombectomie. Leur objectif : se former ou se perfectionner à une technique devenue vitale dans la lutte contre les accidents vasculaires cérébraux : la thrombectomie mécanique.
Lutter contre les AVC
En effet l’enjeu est de taille. En France, chaque année, 150 000 personnes sont victimes d’un AVC. Parmi elles, près de 30 000 pourraient bénéficier d’une thrombectomie. Ces AVC ischémiques, causés par une obstruction artérielle, qui peut être liée soit à une pathologie artérielle, soit à la migration d’un caillot à partir du cœur, peuvent notamment être traités grâce à cette procédure, détaille Louis Boyer, responsable du pôle de radiologie du CHU de Clermont-Ferrand et président du G4. Introduite depuis une dizaine d’années, la thrombectomie mécanique consiste à récupérer le caillot à l’intérieur de l’artère cérébrale par cathétérisme, pour restaurer la circulation sanguine.
Entre sessions scientifiques et enseignement pratique
Mais avant de pratiquer cette intervention délicate et complexe, les futurs spécialistes de cette procédure doivent apprendre à en maîtriser la technique, et anticiper les complications. Toute la journée, les participants enchaînent modules de cours théoriques, démonstrations en salle d’intervention et ateliers sur simulateurs pour un partage d’expérience et une mise en situation.

Dès 8 heures, la journée de formation débute dans un amphithéâtre du CICE au sein de la faculté de médecine de Clermont Ferrand, pour une session scientifique d’une heure et demie© Solenn Duplessy
Dès 8 heures, la journée de formation débute dans un amphithéâtre du CICE au sein de la faculté de médecine de Clermont Ferrand, pour une session scientifique d’une heure et demie aux allures de cours magistrale sur l’apprentissage du geste technique de la thrombectomie. Les enseignants partagent à l’assemblée des étudiants leurs cas cliniques et retours d’expérience autour de questions comme quel stent pour quel caillot, comment et où aspirer, avant de laisser place à la pratique.
L’essor de la thrombectomie
Depuis 2015, plusieurs études ont démontré l’efficacité « remarquable » de cette procédure novatrice, sur le pronostic des patients qui s’en sortent avec généralement moins de handicaps, s’exclame Hubert Desal, chef du service de neuroradiologie diagnostique et interventionnelle de Nantes. Pourtant, le nombre limité de centres souvent hospitalo-universitaires dans lesquels cette technique est pratiquée en France, a souligné le besoin d’ouvrir de nouveaux centres de thrombectomie et par conséquent de former de nouveaux spécialistes. « Il faut absolument qu’on ait des forces supplémentaires, des radiologues interventionnels, mais qui soient également des experts de la visualisation, de l’analyse des images du cerveau, et qui puissent trouver le bon traitement. insiste Hubert Desal. D’où notre responsabilité, à la fois de renforcer nos équipes, de former une jeunesse médicale, de les convaincre de l’intérêt de venir faire cette activité avec nous », encourage-t-il. Avec désormais plus de 50 centres de thrombectomie, en France, les professionnels du secteur notent un besoin urgent de muscler leurs effectifs.
Former de nombreux radiologues
L’école de la thrombectomie, lancée il y a 10 ans, répond à ce besoin. Elle forme chaque année une trentaine de jeunes radiologues, dans le cadre d’un apprentissage interactif et stimulant pour étendre l’accès de cette technique à toute la population nationale. Un ou deux candidats sont désignés pade France et depuis deux ans, la structure accueille également des étudiants étrangers, précise Louis Boyer. « La liste d’attente est longue, les gens ont envie de venir, se réjouit Hubert Desal. Il y a beaucoup d’interactions, de discussions, d’expérimentation. On est là pour leur donner envie de faire ce métier qui est absolument passionnant ».
Mise en pratique sur des simulateurs
Grâce à des installations de simulation, les étudiants et jeunes praticiens peuvent répéter à l’infini des procédures délicates, et ainsi renforcer leurs compétences avant de les réaliser sur de vrais patients. Dans une grande salle dédiée à la simulation médicale, les « écoliers », comme ils sont appelés ici, sont invités à tester les simulateurs des différents industriels.

© Solenn Duplessy

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Dans une grande salle dédiée à la simulation médicale, les « écoliers », comme ils sont appelés ici, sont invités à tester les simulateurs des différents industriels.
Ces derniers sont constitués de tubes en plastique reproduisant les vaisseaux humains, dans lesquels on peut insérer des caillots pour simuler des interventions réelles. Les apprentis peuvent de cette manière s’entraîner à extraire le caillot de sang à l’aide du stent retriever.

© Solenn Duplessy

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Les simulateurs constitués de tubes en plastique reproduisent les vaisseaux humains, dans lesquels on peut insérer des caillots pour simuler des interventions réelles.
« Ce qui est bien dans cette école de la thrombectomie, c’est vraiment cette notion de partage avec les autres surspécialités de radiologie, et notamment la radiologie interventionnelle, car contrairement aux autres gestes de neuroradiologie interventionnelle, c’est une procédure qui est également réalisée par des radiologues interventionnels habituellement périphériques, notamment pour les plus petits centres que les CHU. On est très contents de travailler avec eux », témoigne Julien Burel, ancien élève de l’école et désormais enseignant dans le cadre des Jeunes en neuroradiologie interventionnelle (JENI), qui animent les ateliers pratiques en tant que personnes autonomes en thrombectomie.
Des ateliers pratiques
Dans les autres espaces de simulation, des petits groupes d’élèves s’exercent individuellement sur des simulateurs d’AVC chez un patient dans le cadre d’ateliers pratiques. Aux manettes, des étudiants qui débutent à peine cette année la thrombectomie, chacun encadré par un formateur. À l’écran reproduisant fidèlement l’imagerie du patient et des vaisseaux intracrâniens, ils peuvent visualiser comme pour une vraie procédure, l’extraction du caillot en temps réel. « L’étudiant apprend à atteindre le site de l’occlusion, puis à appliquer le traitement adéquat sur une machine. C’est très pédagogique et souvent très proche de la réalité. On peut même simuler des complications ou des cas particulièrement difficiles », explique Guillaume Boulanger, neuroradiologue à Toulouse et formateur au sein de l’école.

« L'étudiant apprend à atteindre le site de l'occlusion, puis à appliquer le traitement adéquat sur une machine. C’est très pédagogique et souvent très proche de la réalité. On peut même simuler des complications ou des cas particulièrement difficiles », explique Guillaume Boulanger, neuroradiologue.© Solenn Duplessy
Sur un écran, un premier cas concerne une occlusion proximale dans une artère cérébrale gauche, où l’étudiant doit naviguer jusqu’au site de l’obstruction, pour atteindre les vaisseaux du cou, retirer le caillot et rouvrir l’artère pour rétablir le flux sanguin ; puis une autre simulation sur un deuxième écran, concernait quant à elle une occlusion plus distale, du côté droit du cerveau, ce qui demandait plus de précision pour cathétériser les petits vaisseaux cérébraux. « C’est une technique, qui est de l’ordre du millimètre dans le cerveau. Il faut donc être très précis », poursuit l’enseignant.

Sur un écran, un premier cas concerne une occlusion proximale dans une artère cérébrale gauche, où l’étudiant doit naviguer jusqu’au site de l’obstruction, pour atteindre les vaisseaux du cou, retirer le caillot et rouvrir l'artère pour rétablir le flux sanguin.© Solenn Duplessy

Une autre simulation sur un deuxième écran, concernait quant à elle une occlusion plus distale, du côté droit du cerveau, ce qui demandait plus de précision pour cathétériser les petits vaisseaux cérébraux.© Solenn Duplessy
Cathétérisme carotidien
Changement de décor. Un autre groupe se dirige de son côté vers le CHU de Clermont‑Ferrand, à quelque pas du centre de formation, dans une salle d’opération aménagée. Les étudiants habillés dans les conditions du bloc opératoire s’exercent quant à eux au cathétérisme carotidien par voie radiale ou fémorale dans une mise en situation réaliste au sein d’un bloc opératoire de l’hôpital, à l’aide de « flow models », un modèle en silicone qui imite en condition réelle le réseau artériel intracrânien, l’arc aortique et les vaisseaux distaux.

Quatre étudiants accompagnés de leur formateur sont équipés de tabliers plombés, et manipulent un microcathéter sur le flow model. © Solenn Duplessy
Quatre étudiants accompagnés de leur formateur sont équipés de tabliers plombés, et manipulent un microcathéter sur le flow model. Sur l’écran, les images fluoroscopiques imitent celles d’un vrai patient. Pendant ce temps, quatre autres élèves depuis la console, écoutent les démonstrations théoriques du radiologue Victor Dumas, de cas de thrombectomie mécanique et l’accès aux artères du cou, les carotides.

Pendant ce temps, quatre autres élèves depuis la console, écoutent les démonstrations théoriques du Dr Dumas, de cas de thrombectomie mécanique et l’accès aux carotides.© Solenn Duplessy
Un « effort collectif »
Cette école, gratuite pour les participants, a été créée à l’initiative du Collège des enseignants de radiologie (CERF), de la Société française de radiologie et de la Société française de neuroradiologie pour répondre aux besoins croissants liés à la montée de la thrombectomie. D’une durée de trois jours, l’encadrement de cette formation est assuré par des experts nationaux bénévoles venus de toute la France. « C’est un vrai effort collectif de la spécialité, se réjouit Louis Boyer. On essaie le plus possible de faire des actions fédérées qui permettent à toutes les forces vives de la spécialité de s’associer à l’échelle du pays, parce que la façon de réaliser la thrombectomie est la même à Biarritz qu’à Dunkerque », souligne le président du conseil professionnel. L’objectif de ces formations est de fait pour Louis Boyer, de permettre aux radiologues de demain de produire des soins de qualité pour les futurs malades.
Les organisateurs militent également auprès des agences régionales de santé pour obtenir pour les jeunes radiologues davantage de postes hospitaliers, indispensables au déploiement de la thrombectomie dans les établissements publics. « La spécialité a conscience que si elle ne se préoccupe pas de son évolution et de son développement, personne ne s’en occupera », estime Louis Boyer.
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