Bonnes pratiques

Des procédures qualité incontournables dans l’urgence

Les procédures qualité permettent de travailler de manière standardisée, reproductible, et de réagir de manière optimale en cas d’incident. Un exemple avec la prise en charge de l’hypersensibilité aux produits de contraste par les technologues d’un hôpital de Charleroi, en Belgique.

Le 18/01/17 à 16:00, mise à jour aujourd'hui à 15:05 Lecture 8 min.

Les technologues d'un des hôpitaux de Charleroi, en Belgique, ont rédigé une procédure qualité pour prendre en charge les réactions allergiques aux produits de contraste. © Carla Ferrand

Il est près de 10 heures quand Alexis est appelé par le service des urgences du CHU de Charleroi, en Belgique. Alexis est technologue en imagerie médicale (TIM) et commence son week-end de garde au scanner. Le patient pris en charge est dyspnéique, il s’est plaint d’une douleur thoracique brutale ; le prescripteur demande un examen tomodensitométrique afin d’exclure une embolie pulmonaire. Après une anamnèse systématique et exhaustive, Alexis réalise l’examen du thorax, avec injection d’un produit de contraste. Dans la minute qui suit le début de l’injection, le patient présente une réaction d’hypersensibilité immédiate : il développe des signes cutanéomuqueux sous la forme d’une urticaire, il tousse et vomit. Au même moment, dans un autre hôpital à 80 km de Charleroi, Amandine vit une situation similaire. Sa patiente prise en charge pour une suspicion de dissection aortique a également été injectée et présente rapidement un érythème étendu avec un angio-œdème au niveau des lèvres.

Deux réactions pour une situation

Alexis stoppe instantanément l’injection, laisse la voie d’entrée et sort le patient de la gantry afin d’optimiser sa prise en charge. Tout en le rassurant, il prend ses paramètres, notamment son rythme cardiaque et sa tension artérielle. Le patient présente une tachycardie et une hypotension. Le technologue a bien entendu prévenu la radiologue présente. À l’aide du poster affiché dans le service, il identifie rapidement le grade de la réaction : il s’agit, selon la classification de Ring et Messmer, d’un grade 2. Il se remémore facilement la procédure mise en place dans le service et, calmement mais rapidement, applique le traitement nécessaire à la prise en charge d’un tel grade : oxygénothérapie avec fraction inspirée en oxygène à 100 %, surélévation des membres inférieurs, antihistaminique H1 per os, administration d’un bronchodilatateur et prélèvement sanguin. Enfin, il présente au radiologue la fiche patient à compléter en double exemplaire. Il en remet un au patient et numérise le second afin de l’ajouter à son dossier informatisé. Il dépose ensuite le prélèvement sanguin identifié au labo de l’hôpital avec la demande pour le dosage de la tryptase. Amandine, quant à elle, est inefficace. La réaction présentée par la patiente est pourtant classifiée grade 1 et il n’y a pas de risque vital. Au lieu de la rassurer, la technologue est affolée et court à droite à gauche ; elle a oublié ce qu’elle doit faire et, sans consulter le radiologue, elle prend la décision d’appeler les urgentistes. Ces derniers arrivent rapidement mais le responsable des soins intensifs est furieux quand il se rend compte que toute l’équipe a été déplacée pour un incident mineur et que l’administration per os d’un antihistaminique H1 aurait suffi. Les deux technologues ont réagi tout à fait différemment dans des situations pourtant similaires. Il n’y a pas de différence dans leur cursus scolaire ou leur formation mais Alexis a la chance de travailler dans un service où des procédures qualité existent et sont appliquées.

Former des référents qualité pour rédiger des procédures

Au CHU de Charleroi, au sein du service d’imagerie médicale, des référents « qualité » ont suivi une formation organisée intra-muros. Au terme de celle-ci, ces référents devaient être capables de participer à des audits internes de qualité afin d’évaluer d’autres services mais aussi de pouvoir rédiger des procédures (Figure 1) inhérentes aux diverses techniques utilisées au sein de leur service. Chaque fois que c’est possible, leur responsable paramédical leur octroie du temps pour travailler à ces procédures dans un local qui leur est dédié. Une fois terminées, elles sont relues et validées par deux radiologues et notamment le radiologue chef de service.

Canevas des procédures
Figure 1. Au terme de leur formation, les référents qualité doivent pouvoir rédiger des procédures.

Partager les procédures

Les procédures sont ensuite imprimées et mises en ligne sur un portail sécurisé, consultable par l’ensemble des technologues (ou secrétaires s’il s’agit d’une procédure administrative) sur n’importe quel PC du service. Enfin, des petits séminaires sont également organisés une à deux fois par mois durant le temps de midi. Un système de vidéoconférence permet de présenter les nouvelles procédures aux TIM des différents sites de l’institution hospitalière. Ces procédures ne sont évidemment pas fermées et définitives. Elles doivent pouvoir être modifiées et évoluer dans le temps.

L’exemple de l’hypersensibilité aux produits de contraste

Nathalie Guiot, une collègue, et moi-même, avons rédigé la procédure concernant la prise en charge des réactions d’hypersensibilité immédiate aux produits de contraste. Nous avions participé à un atelier sur le sujet aux Journées françaises de radiologie en 2013 et il nous avait semblé évident qu’il devait faire l’objet d’une procédure détaillée et complète. Sa mise en œuvre nous a pris plus de temps que prévu mais elle est finalement appliquée au sein de notre institution et nous en sommes fiers. Nous l’avons rédigée en deux parties distinctes : tout d’abord la prise en charge thérapeutique immédiate du patient, puis la prise en charge administrative, très importante également pour son suivi.

La prise en charge thérapeutique

La procédure de prise en charge thérapeutique rappelle tout d’abord quel matériel doit être disponible dans chaque salle d’examen, afin que le soignant puisse réagir de manière optimale lors d’une réaction, quel qu’en soit le grade. Cette première partie dresse également une liste exhaustive des médicaments nécessaires. Avec l’aide de la classification de Ring et Messmer, elle explique comment identifier les quatre grades et détaille pour chacun d’entre eux la manière dont il faut agir.

La prise en charge administrative

Ensuite, la partie administrative détaille la marche à suivre en ce qui concerne la fiche patient. (Figure 2). Il est en effet important de la faire compléter de manière précise par le médecin présent lors de l’injection afin que le patient puisse s’adresser à un allergologue avec un maximum d’informations concernant l’incident dont il a été victime. Si le patient doit de nouveau être injecté mais dans une autre institution, cet exemplaire lui permettra d’informer le personnel de ce service. Le second exemplaire de la fiche est utilisé par le radiologue pour mentionner l’incident de manière détaillée dans son compte rendu. Il est ensuite scanné et apparaît en pièce jointe dans le dossier informatisé du patient. Lorsque celui-ci revient, cela permet au technologue ou au radiologue de prendre connaissance rapidement de l’incident. Le produit de contraste incriminé lors de la réaction et le grade de celle-ci sont mentionnés et permettent au praticien d’adapter sa ligne de conduite lors de la réalisation du nouvel examen.

D. R.
Figure 2. La partie administrative détaille la marche à suivre en ce qui concerne la fiche patient.

Un kit et des recommandations

Enfin, afin que le ou les technologue(s) présent(s) lors d’une réaction perde(nt) le moins de temps possible, nous avons créé un kit d’intervention rapide (Figure 3). Chaque salle où les patients sont susceptibles de recevoir une injection de produit de contraste (scanner – IRM – interventionnelle), est équipée d’une boîte renfermant tout le matériel et les médicaments nécessaires (hormis l’adrénaline qui est stockée au frigo).

[contenu_encadre img= » » titre= »Le kit d’intervention rapide » contenu= »Le technologue ne doit rien chercher dans les armoires. Hormis l’adrénaline, stockée au frigo. Tout est dans la boîte, qui contient :
• un kit d’humidification pour oxygénothérapie (Respiflo®) ;
• la demande d’analyse laboratoire (Tryptase) ;
• la fiche patient à compléter en double exemplaire ;
• la trousse à perfusion ; • un prolongateur 10 cm avec robinet 3 voies ;
• un masque O2 100 % ; • tube labo, porte tube (holder) et adaptateur de prélèvement via KT ;
• une seringue de 20 ml ;
• une seringue de 3 ml ;
• une puiseuse ;
• un comprimé antihistaminique H1 ;
• un bronchodilatateur sous forme d’un puff ;
• la procédure écrite. » auteur= » » legende= » » credit= » »]

D. R.

Figure 3. Le kit d'intervention permet aux technologues de perdre le moins de temps possible en cas de réaction allergique. D. R.

Un poster (Figure 4) avec la classification de Ring et Messmer et la procédure légèrement résumée est également affiché dans chaque salle. Par ailleurs, les TIM sont invités à ne pas attendre une réaction passivement. Nous leur conseillons de s’entraîner et de réviser la procédure lorsqu’ils ont un peu de temps. Ils doivent connaître les quatre grades de la classification afin de pouvoir les identifier rapidement. Nous leur recommandons également de perfuser les patients avec des KT de gros calibre (afin de faciliter le remplissage vasculaire en cas d’hypovolémie), de rester vigilants aux doses d’adrénaline, de vérifier l’intégrité du kit d’intervention à intervalles réguliers et de maintenir à niveau leur formation en réanimation cardiopulmonaire.

Poster affiché dans chaque salle de radiologie d'un des CH de Charleroi
Figure 4. Un poster avec la classification de Ring et Messmer et la procédure légèrement résumée est affiché dans chaque salle.

Conclusion

Des procédures qualité sont indispensables dans les services de pointe tels que l’imagerie médicale. Elles permettent de travailler de façon standardisée, reproductible et de réagir de manière optimale en cas d’incident. Si un patient devait subir un préjudice grave, le TIM n’a que sa bonne foi pour convaincre qu’il n’a pas commis d’erreur. Avec les procédures, à condition qu’elles soient respectées et appliquées, les professionnels de la santé sont plus à même de convaincre qu’ils ont agi ou réagi en connaissance de cause.

Auteurs

Marc Augurelle

Technologue en imagerie médicale, CHU de Charleroi (Belgique)

 

Discussion

Aucun commentaire

Laisser un commentaire

Le fil Docteur Imago

03 Mai

16:30

Un modèle d’IA entraîné à l’aide de radiographies à fente debout dans un ensemble de données de patients pédiatriques a permis une prédiction plus précise de la croissance osseuse pédiatrique, utilisées dans l’imagerie par rayons X pour surveiller la scoliose, selon une étude publiée dans Radiology.

13:00

L’analyse de l'imagerie au scanner volumétrique est prometteuse pour déterminer la fonction pulmonaire pré et postopératoire chez les patients atteints d’un cancer du poumon subissant une lobectomie pulmonaire, et permet de prédire l’apparition de complications postopératoires, indique une étude.

7:30

Une étude publiée dans European Journal of Radiology démontre que le dépistage supplémentaire par IRM mammaire permet de détecter des cancers du sein précoces, qui pourraient être manqués à la mammographie, notamment chez les femmes aux seins denses.
02 Mai

16:01

Selon une étude pilote de dépistage du cancer du poumon menée dans l'Ontario (Canada) sur 4451 participants, l'adhésion annuelle était élevée (> 85 %), tandis que le taux de détection d'un cancer était de 2,4 % – parmi lesquels 79,2 % de cancers de stade précoce (étude ici).
Docteur Imago

GRATUIT
VOIR