Médecine nucléaire libérale

Des internes de médecine nucléaire lancent l’initiative RADIAN pour contrer la financiarisation

Début février, quatre internes de médecine nucléaire ont créé le Réseau pour une approche durable et indépendante de l'activité nucléaire (RADIAN), groupe WhatsApp regroupant un quart de l'effectif de la spécialité. En ligne de mire : informer la profession sur la financiarisation et monter « un annuaire des centres indépendants sur un mode déclaratif » sur le modèle du collectif de radiologues CORAIL.

Le 29/03/24 à 7:00, mise à jour le 27/01/25 à 12:03 Lecture 4 min.

Après un mois d'existence, le groupe de discussion regrouperait déjà un quart de la profession d'après ses créateurs (photo d'illustration). D. R.

Le Collectif pour une radiologie indépendante et libre (Corail) fait des émules ! Début février 2024, quatre internes de médecine nucléaire membres de l’Association nationale des assistants et internes en médecine nucléaire (ANAIME) ont lancé une initiative similaire pour informer les nucléaristes sur la financiarisation et valoriser l’exercice indépendant de la profession. Intitulée Réseau pour une approche durable et indépendante de l’activité nucléaire (RADIAN), sa création a été précédée « de six mois de réflexion conjointe et de discussion avec plusieurs médecins nucléaires libéraux dont Jean-Baptiste Voitot, président du syndicat national de médecine nucléaire (SNMN) », ont indiqué par mail ses cofondateurs à Docteur Imago.

Un groupe comptant déjà « 25 % » de la profession

L’initiative finale « réunit tous les médecins nucléaires français le souhaitant sous la forme d’une conversation groupée sur WhatsApp, avec pour objectif de fédérer et d’informer nos confrères face à la financiarisation de notre spécialité », rapportent-ils. Le projet semble avoir rencontré son public : après un mois d’existence, RADIAN compte selon ses administrateurs 220 médecins nucléaires sur la conversation WhatsApp, soit « environ 25 % de l’effectif national », ainsi que « plus de la moitié » des « environ 120 internes de médecine nucléaire en France »« preuve que le sujet intéresse et que notre initiative était nécessaire », selon les praticiens en herbe. La prochaine étape ? « La création d’un annuaire des centres indépendants basé sur un mode déclaratif », pour « permettre aux jeunes de reconnaître les centres qui partagent les valeurs de RADIAN, notamment pour les remplacements ».

« CORAIL confirme que d’autres issues sont possibles »

Les fondateurs et administrateurs du réseau – Christelle Fargette (Marseille), Lucas Édouard (Bordeaux), Joel Chhim (Besançon) et Gaëtan Prohet (Saint-Étienne) – revendiquent l’inspiration de Corail, qui comptait fin février, d’après son fondateur Paul-Gydéon Ritvo, 2 200 radiologues sur WhatsApp (un quart de la profession) et un annuaire de 110 groupes se revendiquant non financiarisés. Pour les quatre internes à la barre de RADIAN, « l’impact qu’a eu CORAIL sur les agences régionales de santé (ARS) et le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) confirme que d’autres issues sont possibles » que la financiarisation de l’imagerie libérale, c’est-à-dire l’entrée d’acteurs financiers non médicaux au capital des sociétés d’exercice libéral (SEL) des médecins imageurs.

« Certains groupes vont probablement basculer »

Loin de se cantonner à la radiologie, la financiarisation est aussi en cours à un stade moins avancé en médecine nucléaire, bien qu’elle soit difficile à quantifier, selon les créateurs de RADIAN : « Il y a pour l’instant peu d’acteurs qui ont réussi à pénétrer notre spécialité, mais il est difficile de savoir combien de centres sont réellement financiarisés parmi ceux où exercent les 220 médecins nucléaires libéraux et les 230 médecins nucléaires ayant une activité mixte salarié/libéral ». « La financiarisation en médecine nucléaire en est à ses balbutiements, mais on est sur un fil : certains groupes vont probablement basculer », avance Sébastien Cimarelli, médecin nucléaire associé à la SELARL Médecine nucléaire de la Doua à Villeurbanne (69) et auteur d’un mémoire dédié à la consolidation de l’imagerie médicale soutenu en février à Sciences Po Paris.

Des sollicitations régulières

L’appétit des entreprises de capital-investissement pour la spécialité se traduit par des sollicitations régulières visant à tâter le terrain : « Beaucoup de médecins nucléaires reçoivent de façon hebdomadaire des demandes de cabinets de conseils pour des entretiens rémunérés afin de connaître la position des médecins concernant l’arrivée d’acteurs non exerçants la médecine dans notre spécialité », assurent les administrateurs du groupe WhatsApp.

Des dynamiques propres à la médecine nucléaire difficiles à anticiper

Si le nombre de centres libéraux est plus restreint en médecine nucléaire qu’en radiologie, leur dynamique de financiarisation répond à des problématiques en partie différentes, avec des conséquences difficiles à anticiper : « La production, le transport et la gestion de radiopharmaceutiques sont potentiellement des accélérateurs à la financiarisation, notamment de par l’importance des normes à respecter », prédit Christelle Fargette, tandis que le récent passage d’autorisations d’équipements lourds à une activité de soin en médecine nucléaire « pourrait être un petit frein ».

Une opération annoncée en 2022

Quoiqu’il en soit, les arrivées au capital sont déjà là. Une opération a par exemple été annoncée par CFNews en janvier 2022, avec l’entrée minoritaire de la société de capital-investissement parisienne MBO & Co (depuis devenue MBO+) dans la société d’exercice libéral par action simplifiée (SELAS) francilienne CMN (depuis devenue Evesio), qui compte six centres en Île-de-France, dont deux acquis depuis son association avec MBO & Co. « Nous avons des informations qui ne sont pas encore officielles sur le fait que d’autres centres vont être financiarisés de façon imminente », s’inquiètent les créateurs de RADIAN.

Faire en sorte que « la communauté médicale entende un autre discours »

Face à ce mouvement qu’ils perçoivent comme « un risque sur la qualité de soin et la prise en charge des patients, premières victimes à venir d’une évolution financiarisée de l’imagerie en santé », ne reste plus aux administrateurs du jeune réseau qu’à « fédérer et faire en sorte que la communauté médicale entende un autre discours que celui que la financiarisation et la contraction du capital par des acteurs n’exerçant pas la médecine est inévitable, parce que c’est faux. »

Auteurs

François Mallordy

Journaliste rédacteur spécialisé

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