Marie-France Bellin

« J’ai retrouvé à l’IRSN le même sens du service public qu’à l’hôpital »

Chef du service de radiologie de l’hôpital Bicêtre - AP-HP (94), Marie-France Bellin est à la tête du conseil d’administration de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) depuis novembre 2018. Elle nous décrit sa mission et fait le point sur les axes prioritaires en radioprotection dans le domaine médical.

Le 23/04/19 à 15:00, mise à jour aujourd'hui à 15:04 Lecture 8 min.

La radiologue Marie-France Bellin a été nommée présidente du conseil d'administration de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire en novembre 2018. © C. F.

Docteur Imago / Comment devient-on présidente du conseil d’administration de l’IRSN ?

Marie-France Bellin / Lorsque Dominique Le Guludec, qui m’a précédée au poste de présidente du conseil d’administration, a été nommée à la tête de la Haute Autorité de santé (HAS), il a fallu trouver quelqu’un pour lui succéder. La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, m’a nommée membre du conseil d’administration. Puis ce dernier m’a proposée en tant que présidente. J’ai alors été auditionnée par les commissions développement durable de l’Assemblée nationale et du Sénat. Elles ont émis un avis favorable et le premier ministre a validé ma nomination en novembre 2018.

D. I. / Qu’avez-vous découvert sur l’IRSN en prenant vos fonctions ?

M.-F. B. / J’ai mesuré la complexité et la richesse de l’institution, ainsi que la diversité des enjeux. Il y a plein de sujets d’actualité et l’IRSN est très sollicité, à la fois dans le domaine de la sûreté nucléaire – avec la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), le prolongement éventuel de la durée de fonctionnement des réacteurs nucléaires, le projet de stockage des déchets nucléaires Cigéo – et de la radioprotection. Les enjeux de radioprotection concernent notamment l’utilisation croissante des rayonnements ionisants dans le milieu médical, avec le recours de plus en plus fréquent à l’imagerie et le développement de nouvelles technologies qui utilisent les rayonnements ionisants, en particulier la radiologie interventionnelle. J’ai retrouvé également à l’IRSN un sens du service public, un sens de l’intérêt collectif qui sont très présents dans les hôpitaux. J’ai noté la forte implication des membres de l’IRSN dans leur mission. Ce sont des valeurs qu’ils partagent avec les professionnels hospitaliers.

D. I. / Outre l’utilisation des rayonnements ionisants à des fins médicales, les compétences de l’IRSN recouvrent de nombreux domaines : nucléaire civil, militaire, industrie. Comment, en tant que médecin, vous êtes-vous adaptée à ces différentes thématiques ?

M.-F. B. / C’est un univers un peu différent, mais passionnant. Le monde de la radioprotection est très vaste mais il y a une continuité dans l’approche. Au sein de l’IRSN, le directeur général a des fonctions exécutives et connaît parfaitement le monde du nucléaire. Il y a donc une certaine complémentarité.

D. I. / Quelle est votre mission au sein du conseil d’administration de l’IRSN ?

M.-F. B. / Le conseil d’administration donne son avis pour tous les projets importants de l’IRSN, aussi bien la stratégie, que les projets d’organisation, le fonctionnement, le budget, les projets scientifiques, etc. En tant que présidente du CA, j’ai également une fonction associée de présidente du comité d’orientation des recherches. Comme son nom l’indique, ce dernier se saisit de la stratégie de recherche, afin de maintenir son excellence mais surtout de vérifier son adéquation aux enjeux de sûreté et de radioprotection de l’homme et de l’environnement. Il inclut les aspects sociétaux dans son approche globale de l’orientation de la recherche de l’institut. Un de ses objectifs principaux est de faire en sorte que la recherche réponde le mieux possible aux besoins des pouvoirs publics et aux attentes de la société.

D. I. / Quels sont vos chantiers prioritaires dans le domaine médical ?

M.-F. B. / La radioprotection dans le domaine médical est une préoccupation à l’heure actuelle. L’imagerie médicale permet, à la fois sur le plan diagnostique et thérapeutique, l’amélioration de la survie des patients et elle a un impact très positif dans le soin. Néanmoins, elle est parfois associée à une augmentation de l’usage des rayonnements ionisants, avec les risques qu’ils comportent. Il est donc important de vérifier la pertinence et la justification des actes qui sont réalisés. Dans le domaine de la radiologie interventionnelle, les examens sont longs et les doses reçues sont souvent supérieures à celles reçues en radiodiagnostic. Il est important de pouvoir évaluer les doses reçues et de les limiter au maximum, donc de mettre en œuvre tous les procédés qui peuvent minimiser l’impact des rayonnements ionisants. L’IRSN en tant qu’organisme d’expertise émet des recommandations sur l’optimisation, sur la justification des actes et les moyens techniques de limiter les doses.

D. I. / L’Autorité de sûreté nucléaire déplore souvent le manque de culture de la radioprotection chez certains professionnels médicaux. Quel est votre point de vue ?

M.-F. B. / Effectivement, c’est un sujet qu’il faut traiter. Pendant leur formation, les radiologues intègrent tout un bagage dans le domaine de la radioprotection. Pour eux, c’est quelque chose d’acquis, alors que pour d’autres spécialités médicales ou chirurgicales c’est une préoccupation beaucoup plus récente. Dans les blocs opératoires où sont utilisés des rayonnements ionisants, il est important que cette culture de la radioprotection se développe et que la totalité des personnels y soient sensibilisés, à la fois vis-à-vis d’eux-mêmes et des patients. Pour cela, il y a plusieurs pistes : la formation des professionnels, l’expertise lorsqu’on nous sollicite, l’évaluation des niveaux de doses, etc.

D. I. / Outre la radiologie interventionnelle, quels domaines font l’objet d’une vigilance particulière de la part de l’IRSN ?

M.-F. B. / La radiopédiatrie est un secteur à risque car les enfants sont plus sensibles que les adultes aux rayonnements ionisants. Dans ce domaine, les professionnels font de nombreux efforts. Ils substituent les examens irradiants par des examens non irradiants lorsque c’est possible et limitent les doses délivrées. L’IRSN a conduit plusieurs études de cohortes qui montrent une relative stabilité de la fréquence des examens d’imagerie chez l’enfant ces cinq dernières années, ainsi qu’une diminution des doses apportée par l’amélioration des techniques et l’optimisation des paramètres des machines.

D. I. / L’irradiation liée aux scanners est un autre sujet de préoccupation…

M.-F. B. / Les scanners représentent une part croissante, mais pas majoritaire, des examens d’imagerie, alors qu’ils contribuent à environ 60 % de la dose efficace reçue par la population. Il est donc très important d’optimiser le fonctionnement de nos scanners en utilisant les paramètres les moins irradiants possible. L’IRSN a publié un rapport sur le parc de scanners en France 1 et sur l’irradiation en fonction de l’âge des équipements. La majorité des scanners anciens se trouvent dans les hôpitaux publics. Cela doit amener à une réflexion sur les budgets des services d’imagerie.

D. I. / Vous évoquez les notions de pertinence et de justification des actes. Ces sujets sont au cœur de la nouvelle stratégie nationale de santé et un cheval de bataille de l’IRSN…

M.-F. B. / La pertinence et la justification sont essentielles pour éviter des examens redondants et non justifiés. La sensibilisation à la pertinence est grandissante et les messages bien acceptés par les radiologues. Ils montrent une réelle volonté de s’approprier cette pertinence et de voir leur place de médecin imageur reconnue vis-à-vis du patient et des confrères. Cela intègre bien la position du radiologue dans le parcours de soins, et oblige à réfléchir à l’intérêt de l’acte demandé. Cela permet souvent un dialogue entre spécialistes. C’est une démarche qui n’est pas forcément facile car elle prend du temps. Elle suppose qu’on prenne un moment pour regarder le dossier du patient en détail et éventuellement d’échanger avec le médecin demandeur.

D. I. / En tant que radiologue, que souhaitez-vous apporter durant les 5 ans votre présidence ?

M.-F. B. / Je veillerai à ce que l’IRSN puisse disposer des ressources suffisantes pour demeurer innovant, en particulier dans le domaine de la recherche, et maintenir le niveau d’excellence qui est le sien. Beaucoup de nos thèmes de recherche ont trait au monde médical, comme des suivis de cohortes, des recherches sur les effets des faibles doses, sur les accidents d’irradiation, sur les biomarqueurs, etc. J’aimerais aussi poursuivre l’ouverture à l’international. L’IRSN est reconnu et fait partie d’un réseau d’organismes de radioprotection (ETSON). Il faut pouvoir continuer à bénéficier de l’expérience d’autres organismes semblables et faire rayonner le savoir-faire des équipes françaises dans le domaine de la radioprotection et de la sûreté nucléaire.

D. I. / À côté de vos fonctions à l’IRSN, vous avez conservé votre activité de chef de service à l’hôpital Bicêtre. Comment conciliez-vous les deux ?

M.-F. B. / Il faut faire preuve de flexibilité. J’adapte mon emploi du temps aux différentes réunions et sollicitations à la fois à la faculté, à l’hôpital et à l’IRSN.

D. I. / Le conseil d’administration que vous présidez regroupe 25 membres issus de différents horizons. Comment parvenez-vous à les fédérer ?

M.-F. B. / L’IRSN est au croisement de nombreuses préoccupations et a plusieurs ministères de tutelle : la santé, l’enseignement supérieur et la recherche, la transition écologique et solidaire, et la défense. Ce qui est important en radioprotection et en sûreté nucléaire, c’est de faire intervenir tous ceux qui agissent et qui ont des responsabilités dans ce domaine. C’est un défi passionnant et je trouve ça à la fois agréable et utile !

Auteurs

Carla Ferrand

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